Chef de projet réfléchissant aux solutions informatiques pour son entreprise
Publié le 15 mars 2024

Contrairement à l’idée reçue, l’échec d’un projet informatique n’est presque jamais technique. Il naît d’une mauvaise traduction entre un problème métier et une solution logicielle.

  • Demander une solution (un « VPN », un « CRM ») sans énoncer le « travail à faire » par vos équipes mène inévitablement au gaspillage et à la frustration.
  • Les vrais besoins se découvrent en écoutant les douleurs du quotidien, pas en rédigeant des listes de fonctionnalités techniques.

Recommandation : Abandonnez le cahier des charges traditionnel pour un dialogue centré sur le problème métier et les indicateurs de succès concrets que vous souhaitez atteindre.

Le scénario est tristement familier dans de nombreuses entreprises. Un nouveau logiciel est déployé, fruit de mois de travail et d’un investissement conséquent. Pourtant, six mois plus tard, le constat est sans appel : personne ne l’utilise, ou si peu. Les équipes retournent à leurs anciens tableurs Excel, et la frustration grandit des deux côtés. Le management voit un investissement perdu, tandis que le service informatique ne comprend pas pourquoi un outil si « performant » est boudé. On vous a pourtant demandé de « mieux spécifier vos besoins », de parler de serveurs, de « gigas », de processeurs, pensant que le diable se cachait dans les détails techniques.

Cette situation est le symptôme d’une erreur fondamentale que cet article se propose de corriger. Le succès d’un projet informatique ne réside pas dans la précision de sa fiche technique, mais dans la clarté du problème métier qu’il est censé résoudre. L’enjeu n’est pas de devenir un expert en technologie, mais de maîtriser l’art de la traduction : transformer une douleur opérationnelle (« on perd trop de temps à faire ça », « on fait trop d’erreurs ») en un objectif clair et mesurable. C’est en changeant la question de départ – passer de « Quel outil nous faut-il ? » à « Quel problème cherchons-nous à éliminer ? » – que l’on jette les bases d’un projet réussi.

Ce guide est conçu pour vous, managers fonctionnels, afin de vous donner les clés pour reprendre le contrôle de vos projets informatiques. Nous allons déconstruire les mythes, vous fournir des méthodes simples pour identifier les besoins réels de vos équipes et vous apprendre à formuler une demande qui a du sens, tant pour votre département que pour les équipes techniques. L’objectif est de faire du besoin opérationnel le véritable et unique pilote de toute décision technologique.

Pour donner une vue d’ensemble du contexte dans lequel s’inscrivent ces projets, la vidéo suivante illustre le fonctionnement global des systèmes d’information au sein d’une entreprise. Elle constitue une excellente introduction visuelle aux interactions complexes entre les différents services et la technologie qui les soutient.

Cet article est structuré pour vous guider pas à pas dans cette démarche de « traduction ». Vous découvrirez des méthodes concrètes pour passer de la frustration à la spécification, en vous assurant que chaque euro investi dans la technologie serve directement votre performance métier.

Sommaire : Comment piloter vos projets informatiques par le besoin métier et non par la technique

La méthode pour découvrir les besoins que vos équipes ne vous formulent jamais

Le plus grand défi dans la définition d’un projet informatique n’est pas de lister ce que les gens demandent, mais de découvrir ce dont ils ont réellement besoin. Les demandes explicites ne sont souvent que la partie émergée de l’iceberg. Si l’on considère que plus de 60% des projets informatiques n’atteignent pas leurs objectifs initiaux, c’est en grande partie parce qu’ils répondent à des besoins mal formulés ou incomplets. Le véritable enjeu est de savoir écouter les signaux faibles, ces frustrations quotidiennes que vos collaborateurs ne pensent même plus à verbaliser.

Une méthode efficace pour révéler ces besoins implicites est l’observation empathique. Passez du temps avec vos équipes, non pas dans une salle de réunion, mais sur leur lieu de travail. Observez leurs gestes, les « soupirs » devant une tâche répétitive, les post-it qui envahissent leurs écrans, ou les multiples fenêtres Excel ouvertes simultanément. Ces contournements sont des mines d’or d’informations. Ils signalent une friction, un processus cassé qu’un outil bien pensé pourrait fluidifier. Un autre symptôme révélateur est le « Shadow IT », ces outils non officiels que les employés utilisent sans l’aval du service informatique. Près de 10% des employés admettent utiliser des logiciels non approuvés, car ils répondent mieux à un besoin immédiat. Plutôt que de le voir comme une menace, considérez-le comme un besoin exprimé par l’action.

Posez des questions ouvertes axées sur les difficultés, pas sur les solutions. Au lieu de « De quel logiciel avez-vous besoin ? », demandez « Quelle est la tâche la plus frustrante de votre semaine ? », « S’il y avait une chose que vous pouviez ne plus jamais avoir à faire manuellement, quelle serait-elle ? », ou « Où perdez-vous le plus de temps ? ». C’est en se concentrant sur les points de douleur que l’on identifie les opportunités de valeur réelle, bien au-delà des fonctionnalités listées dans un cahier des charges classique.

L’histoire du logiciel à 50 000€ que personne n’utilise : autopsie d’un échec annoncé

L’image d’un bureau où trône un équipement informatique flambant neuf mais couvert de poussière est une métaphore puissante. Elle représente ces millions d’euros gaspillés chaque année dans des logiciels qui ne sont jamais, ou très peu, adoptés par les utilisateurs finaux. C’est l’autopsie d’un échec dont les causes sont presque toujours les mêmes : le projet a été pensé en termes de fonctionnalités techniques et non en termes de problèmes métier à résoudre.

Métaphore visuelle d'un investissement informatique inutilisé dans une entreprise

Ce phénomène n’est pas anecdotique. Des études montrent que le gaspillage est massif. Selon une enquête, 20 à 30% du budget logiciel des entreprises est dépensé pour des licences inutilisées ou sous-utilisées. Ce chiffre grimpe encore plus haut lorsque l’on considère les développements sur-mesure qui ne trouvent pas leur public en interne. Le projet a beau être livré « dans les temps » et « dans le budget », s’il ne résout aucun problème concret pour l’utilisateur, son retour sur investissement est nul. C’est un coût sans bénéfice.

L’échec de l’adoption est souvent perçu à tort comme une « résistance au changement » de la part des équipes. En réalité, c’est le signe que le nouvel outil est plus contraignant ou moins efficace que les anciennes méthodes, aussi archaïques soient-elles. Si un commercial continue d’utiliser son carnet d’adresses personnel au lieu du nouveau CRM, ce n’est pas par mauvaise volonté, mais probablement parce que la saisie d’informations dans le logiciel lui prend plus de temps qu’elle ne lui en fait gagner. Le logiciel a été conçu pour le reporting du management, pas pour faciliter le quotidien du commercial.

Étude de cas : Le regret post-achat, une réalité pour plus de la moitié des entreprises

Une étude de Capterra menée en 2024 est particulièrement éclairante à ce sujet. Elle révèle qu’une part écrasante de 57% des PME ont regretté au moins un de leurs achats de logiciels au cours de l’année. Les raisons invoquées sont directement liées à l’expérience utilisateur : une difficulté d’usage qui freine l’adoption, des coûts cachés ou plus élevés que prévu, et finalement un retour sur investissement décevant. Ce constat met en lumière un point crucial : le succès d’une solution ne dépend pas de sa fiche technique, mais de son adoption réelle et de sa capacité à créer de la valeur pour ceux qui l’utilisent au quotidien.

« Je veux un vpn » : pourquoi cette phrase est le meilleur moyen de rater votre projet

Une des erreurs les plus communes commise par un manager fonctionnel est de formuler sa demande directement en termes de solution technique. Des phrases comme « J’ai besoin d’un nouveau CRM », « Il nous faut un VPN » ou « Je veux un outil de reporting plus puissant » sont en réalité des pièges. Elles court-circuitent l’étape la plus importante du processus : la définition du problème. En arrivant avec une solution toute faite, vous privez votre équipe et le service informatique de la possibilité de trouver la réponse la plus pertinente, la plus simple ou la plus économique.

Cette idée est parfaitement résumée par une célèbre citation de Theodore Levitt, professeur à la Harvard Business School, qui est au cœur de la théorie du « Jobs to Be Done » (JTBD).

Les gens ne veulent pas acheter une perceuse d’un quart de pouce. Ils veulent un trou d’un quart de pouce.

– Theodore Levitt, Harvard Business School – Jobs to Be Done Framework

Transposé à notre contexte : vos équipes ne veulent pas d’un VPN (la perceuse), elles veulent accéder de manière sécurisée aux dossiers clients depuis leur domicile pour finaliser une proposition commerciale (le trou). La nuance est fondamentale. Un VPN est une solution parmi d’autres. Peut-être qu’une solution cloud moderne ou une simple modification des droits d’accès sur un serveur existant pourrait résoudre le problème de manière plus efficace et moins coûteuse. En se focalisant sur la solution, on ferme la porte à l’innovation et à l’optimisation. En se focalisant sur le « travail à faire » (le JTBD), on ouvre le champ des possibles.

Votre plan d’action : La méthode des 5 Pourquoi pour déconstruire une demande

  1. Étape 1 : Identifier la demande initiale formulée par l’utilisateur. Exemple : « Je veux un VPN. »
  2. Étape 2 : Poser le premier ‘Pourquoi ?’ pour comprendre la motivation immédiate. « Pourquoi veux-tu un VPN ? » Réponse : « Pour pouvoir travailler de chez moi le soir. »
  3. Étape 3 : Creuser avec un deuxième ‘Pourquoi ?’ pour atteindre le besoin sous-jacent. « Pourquoi as-tu besoin de travailler de chez toi le soir ? » Réponse : « Parce que je dois accéder au dossier du client X pour finir ma proposition. »
  4. Étape 4 : Continuer jusqu’à identifier le véritable problème métier à résoudre. « Pourquoi as-tu besoin de cet accès spécifiquement ? » Réponse : « Pour vérifier les dernières conditions tarifaires qui sont sur le serveur partagé. »
  5. Étape 5 : Reformuler le besoin en termes de ‘Job to Be Done’. Le besoin n’est pas « avoir un VPN », mais « Permettre aux commerciaux d’accéder de manière sécurisée et rapide aux informations tarifaires à jour, où qu’ils soient, pour finaliser une offre commerciale. »

Le modèle de cahier des charges d’une page qui met tout le monde d’accord

Le mot « cahier des charges » fait souvent peur. On imagine un document de 80 pages, rigide, rempli de jargon technique, que personne ne lit vraiment et qui finit par devenir une source de conflit plutôt qu’un outil de collaboration. Oubliez cette image. Un cahier des charges efficace n’est pas un contrat, c’est une boussole. Il doit être simple, centré sur le métier, et tenir sur une seule page. Son but n’est pas de tout prévoir, mais de s’assurer que tout le monde regarde dans la même direction.

Équipe collaborative travaillant ensemble sur la définition d'un projet informatique

Ce document, que l’on pourrait appeler « Canevas de Projet », doit être co-construit lors d’un atelier réunissant les futurs utilisateurs et les équipes techniques. Il ne s’agit pas d’une simple formalité administrative, mais comme le souligne un expert, c’est le fondement de la réussite. Pour cela, il doit répondre à des questions simples mais essentielles : quel problème résout-on ? Pour qui ? Comment saura-t-on que nous avons réussi ? Et que voulons-nous absolument éviter ?

Le canevas doit être un document vivant, facile à comprendre par tous, du commercial au développeur. Il remplace les listes de fonctionnalités interminables par des scénarios d’usage concrets, les fameuses « User Stories ». Une User Story est une phrase simple qui décrit une action, un utilisateur et le bénéfice attendu. Par exemple : « En tant que responsable marketing, je veux pouvoir exporter la liste des inscrits à un événement en un clic pour pouvoir leur envoyer un e-mail de remerciement rapidement. » C’est infiniment plus clair et actionnable qu’une ligne de spec technique comme « Fonctionnalité d’export CSV ».

Votre feuille de route pratique : Structure du cahier des charges Lean

  1. Bloc 1 : Problème à résoudre. Décrivez en 2-3 phrases la douleur métier, la frustration ou le manque à gagner que le projet doit éliminer. Utilisez les mots de vos équipes.
  2. Bloc 2 : ‘Jobs to Be Done’ des utilisateurs clés. Listez les 3 à 5 « travaux » principaux que l’outil doit permettre d’accomplir. Utilisez le format : « Aider [qui] à [faire quoi] dans [quel contexte] ».
  3. Bloc 3 : Indicateurs de succès MÉTIERS. Définissez comment vous mesurerez la valeur créée. Exemples : « Réduire de 50% le temps de génération du rapport mensuel », « Diminuer de 20% le nombre d’erreurs de saisie », « Augmenter de 15% le taux de conversion sur les devis envoyés ».
  4. Bloc 4 : Risques et ‘Anti-Goals’. Listez explicitement ce que le projet ne doit surtout PAS devenir. Exemples : « Un outil qui demande plus de 3 clics pour enregistrer un contact », « Une usine à gaz que seuls 2 experts savent utiliser ».
  5. Bloc 5 : User Stories prioritaires. Écrivez 3 à 5 scénarios d’usage concrets sous la forme « En tant que [rôle], je veux [action] afin de [bénéfice métier] ».

Le lancement de votre projet n’est pas la fin, c’est le début : l’art d’écouter les utilisateurs

Une erreur fréquente est de considérer la date de lancement d’un logiciel comme la ligne d’arrivée d’un projet. C’est en réalité le coup d’envoi. Le véritable test de la valeur d’un outil ne se fait pas lors des phases de recette technique, mais dans son usage quotidien par les équipes. Un logiciel qui n’est pas adopté est un échec, quelles que soient ses qualités intrinsèques. Les statistiques sont éloquentes : même pour des outils aussi centraux que les CRM, les taux d’adoption peinent à décoller. Une étude révèle que moins de 40% des utilisateurs finaux adoptent pleinement le CRM mis à leur disposition, signifiant que plus de 60% de l’investissement est potentiellement perdu.

Le succès à long terme repose donc sur une compétence clé : l’art d’écouter le feedback utilisateur de manière continue. Le lancement n’est pas une fin, c’est le début d’une conversation. Ce dialogue permet de déceler les frictions, de prioriser les améliorations et de faire évoluer l’outil pour qu’il colle toujours plus aux réalités du terrain. Comme le souligne un expert, le feedback est le moteur de l’amélioration continue.

Le feedback pourra vous permettre de vous améliorer continuellement : déceler les problèmes les plus tordus, définir des priorités parmi toutes les améliorations prévues, identifier en profondeur le besoin de l’utilisateur, et tester des hypothèses pour prendre des décisions.

– Guide de la télémétrie applicative, ITExpert

Pour organiser cette écoute, plusieurs méthodes peuvent être mises en place, allant du qualitatif au quantitatif :

  • Widgets de feedback intégrés : Des boutons discrets (« Donner mon avis », « Signaler un bug ») directement dans l’application permettent de recueillir des retours à chaud, souvent accompagnés de captures d’écran annotées, ce qui est extrêmement précieux pour les développeurs.
  • Enquêtes ciblées et automatisées : Plutôt qu’un long questionnaire annuel, privilégiez de courtes enquêtes (1 à 3 questions) déclenchées par des événements précis : après la première utilisation, après l’accomplissement d’une tâche clé, ou après une période d’inactivité.
  • Analyse des métriques d’usage : Les données quantitatives sont un excellent révélateur de frustrations. Des indicateurs comme les « rage clicks » (clics multiples et rapides sur un même bouton), les abandons de parcours à une étape précise ou un temps anormalement long pour réaliser une action sont des signaux d’alarme.
  • Le « Conseil des Ambassadeurs » : Identifiez un petit groupe d’utilisateurs clés, motivés et représentatifs. Impliquez-les en avant-première dans les futures évolutions et organisez des points réguliers pour recueillir leur expertise terrain.

Logiciel sur-mesure vs sur étagère : le choix qui engage votre entreprise pour 10 ans

Lorsque le besoin est clairement identifié, une question stratégique se pose : faut-il développer une solution sur-mesure ou opter pour un logiciel « sur étagère » (souvent en mode SaaS) ? Ce choix n’est pas seulement technique ou financier à court terme ; il engage votre organisation, vos processus et votre agilité pour la décennie à venir. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse universelle, mais une analyse lucide des avantages et inconvénients de chaque approche est indispensable.

Le logiciel sur étagère est séduisant par sa rapidité de déploiement et son coût d’entrée maîtrisé (un abonnement mensuel). Cependant, il impose un cadre standardisé. C’est à votre entreprise de s’adapter aux processus du logiciel, et non l’inverse. Le logiciel sur-mesure, quant à lui, représente un investissement initial bien plus lourd, mais il est sculpté pour épouser parfaitement vos processus uniques, ceux qui constituent potentiellement votre avantage concurrentiel. Sur le long terme, le coût total de possession (TCO) peut même s’avérer plus intéressant. Une analyse du coût total de possession montre qu’un SaaS peut, dans certains cas, devenir plus coûteux qu’une solution achetée sur le long terme.

Comparaison Logiciel sur-mesure vs sur étagère
Critère Logiciel sur-mesure Logiciel sur étagère
Adaptation aux besoins Parfaitement adapté aux processus spécifiques Adaptation de l’entreprise au logiciel standard
Coût initial Investissement élevé Abonnement mensuel accessible
TCO sur 10 ans Potentiellement plus rentable à long terme Coûts récurrents cumulés importants
Délais de mise en œuvre Plusieurs mois de développement Déploiement rapide (quelques semaines)
Évolutivité Totale flexibilité d’évolution Limitée aux fonctionnalités de l’éditeur
Avantage concurrentiel Différenciation forte et savoir-faire encapsulé Banalisation des processus

Un risque majeur du logiciel sur étagère est le « vendor lock-in », ou verrouillage propriétaire. Une fois que toutes vos données et processus reposent sur la technologie d’un seul éditeur, il devient extrêmement complexe et coûteux de changer de solution. Vous êtes à la merci de ses évolutions tarifaires, de sa feuille de route et de sa pérennité. Un développement sur-mesure vous garantit une totale maîtrise de votre actif technologique.

La checklist en 10 points pour définir vos besoins serveur sans vous tromper

Même en se concentrant sur le besoin métier, il arrive un moment où des questions plus techniques, comme celles liées à l’infrastructure (serveurs, hébergement), doivent être abordées. En tant que manager fonctionnel, votre rôle n’est pas de choisir la marque du serveur, mais de traduire vos exigences métier en contraintes compréhensibles par l’équipe IT. Des mots comme « fiable », « rapide » ou « sécurisé » sont trop vagues. Ils doivent être quantifiés.

L’exigence de « fiabilité », par exemple, se traduit techniquement par un « Service Level Agreement » (SLA), qui est un engagement sur un taux de disponibilité. Un SLA de 99% peut sembler bon, mais il autorise plus de 3 jours d’indisponibilité par an. Pour une application critique, cela peut être catastrophique. Un SLA de 99,99% (« quatre neufs ») ne tolère que 52 minutes d’arrêt annuel. La question à se poser est donc : « Quel est l’impact financier et opérationnel si cette application est indisponible pendant une heure ? Une journée ? ». La réponse déterminera le niveau de SLA requis.

Niveaux de SLA et temps d’indisponibilité annuel
Niveau de SLA Disponibilité Temps d’indisponibilité annuel autorisé
Standard 99% 3,65 jours par an
3 neuf 99,9% 8,76 heures par an
4 neuf 99,99% 52 minutes par an
5 neuf 99,999% 5,39 minutes par an

De même, la « rapidité » doit être liée à une expérience utilisateur concrète. Plutôt que de demander « un serveur rapide », spécifiez : « Le temps de chargement de la page d’accueil ne doit jamais dépasser 2 secondes » ou « La génération du rapport de ventes mensuel doit prendre moins de 10 secondes ». C’est un objectif mesurable que les équipes techniques peuvent utiliser pour dimensionner l’infrastructure. Pour vous aider dans ce dialogue, voici les points clés à aborder.

Les points clés à vérifier pour définir vos besoins serveur

  1. Impact métier : Quel est le coût d’une heure d’indisponibilité de cette application ? (définit le besoin de haute disponibilité / SLA).
  2. Performance perçue : Traduisez vos exigences de rapidité en temps de réponse maximum pour 2 ou 3 actions utilisateur critiques.
  3. Scalabilité et croissance : L’entreprise prévoit-elle une acquisition externe, une forte saisonnalité ou une expansion internationale dans les 3 prochaines années ? (définit le besoin d’élasticité).
  4. Risque de sécurité : Quelles sont les données hébergées ? Quelle est leur valeur ? Quel serait l’impact d’une fuite de données ? (définit le niveau de sécurité et de chiffrement).
  5. Continuité de service : Avons-nous besoin que l’application survive à une panne complète d’un serveur ou d’un datacenter ? (définit le besoin de redondance et de plan de reprise d’activité).

À retenir

  • Pensez « problème » avant « solution » : La qualité d’un projet informatique dépend de la clarté du problème métier qu’il résout. Ne demandez jamais un outil, décrivez une douleur.
  • Le dialogue prime sur le document : Un cahier des charges d’une page, co-construit et centré sur l’utilisateur (Job to Be Done), est plus efficace qu’un document technique de 100 pages.
  • Le succès se mesure par l’adoption : La livraison du logiciel n’est pas la fin du projet, c’est le début. Le vrai ROI se mesure à l’usage réel et à la valeur créée pour les équipes.

Vos applications métiers ne sont pas des outils, ce sont vos processus et votre savoir-faire en action

En conclusion, il est essentiel de changer de perspective sur la technologie en entreprise. Une application métier n’est pas un simple « outil » ou un « coût » informatique à minimiser. C’est la matérialisation de vos processus, l’incarnation numérique de votre savoir-faire unique et un levier stratégique de différenciation. Dans un contexte où la numérisation est une priorité, comme le souligne le programme France 2030 avec un objectif d’adoption des outils numériques par 64% des entreprises industrielles, bien choisir et concevoir ses applications devient un enjeu de compétitivité majeur.

Quand une application est conçue pour optimiser un processus qui vous est propre, elle devient un avantage concurrentiel tangible. Elle permet non seulement de gagner en productivité en automatisant les tâches répétitives, mais elle capture et pérennise une méthode de travail qui fait votre force. Plutôt que de vous conformer aux standards du marché imposés par un logiciel sur étagère, vous façonnez un outil qui renforce votre singularité.

L’application métier comme actif stratégique de l’entreprise

L’adoption d’applications métier bien pensées améliore non seulement la gestion interne, mais aussi la compétitivité globale. En optimisant les processus, les entreprises peuvent automatiser les tâches à faible valeur ajoutée, améliorer la productivité des équipes et offrir une personnalisation accrue à leurs clients. Une application sur-mesure, en particulier, encapsule le savoir-faire unique de l’organisation et se transforme en un véritable actif stratégique. Elle n’est plus une simple dépense, mais un investissement qui augmente l’efficacité, fidélise les talents en leur fournissant un environnement de travail performant et permet de se différencier durablement sur le marché.

Le dialogue que vous initiez en partant des problèmes métier est donc bien plus qu’une simple technique de gestion de projet. C’est une démarche stratégique qui garantit que chaque investissement technologique vient renforcer l’ADN de votre entreprise, protéger votre savoir-faire et, in fine, servir votre performance.

Pour transformer votre prochain projet informatique en succès, commencez par traduire les frustrations de vos équipes en « Jobs to Be Done ». C’est la première étape indispensable pour construire un dialogue efficace avec vos partenaires techniques et garantir un retour sur investissement qui a du sens pour votre métier.

Rédigé par Isabelle Girard, Isabelle Girard est une consultante en systèmes d'information qui accompagne depuis 18 ans les PME dans leur transformation numérique. Son expertise est de traduire les besoins opérationnels en solutions technologiques rentables.