Publié le 15 mars 2024

Contrairement à une idée reçue, un plan de continuité ne se résume pas à vos sauvegardes informatiques ; la vraie résilience d’une entreprise repose sur des piliers organisationnels et humains.

  • Le Plan de Reprise d’Activité (PRA) est technique (restaurer les serveurs), tandis que le Plan de Continuité d’Activité (PCA) est stratégique (faire tourner l’entreprise même en mode dégradé).
  • La survie de l’entreprise dépend de sa capacité à identifier et faire fonctionner ses activités « cerveau », et non de la restauration de tous les systèmes.
  • La préparation des équipes et une communication de crise maîtrisée sont plus déterminantes que la seule vitesse de restauration des données.

Recommandation : Basculez d’une simple logique de reprise technique (PRA), souvent insuffisante, à une stratégie globale de résilience organisationnelle (PCA) qui intègre l’humain, les processus et la communication.

Imaginez un instant. Demain matin, un incendie, une inondation, une cyberattaque massive ou une simple coupure de courant prolongée rend vos bureaux totalement inaccessibles. Vos serveurs sont hors ligne, vos équipes sont dispersées. Que se passe-t-il réellement ? Beaucoup de dirigeants pensent être prêts, se retranchant derrière l’assurance d’avoir des sauvegardes informatiques régulières. C’est une vision dangereusement parcellaire. Cette approche confond l’outil et l’objectif, la reprise technique et la survie de l’entreprise.

La plupart des discussions sur la continuité se concentrent sur les aspects techniques : le temps de restauration des données (RTO), la fraîcheur de la dernière sauvegarde (RPO), les solutions cloud… Ces éléments sont nécessaires, mais ils ne sont qu’une infime partie de l’équation. Que valent des serveurs parfaitement restaurés si vos équipes ne savent pas comment travailler sans leurs outils habituels, si vos clients paniquent faute d’information, si votre chaîne logistique est rompue et, surtout, si votre activité la plus rentable est à l’arrêt complet ? La crise dépasse toujours le périmètre de la Direction des Systèmes d’Information (DSI).

La véritable question n’est pas « Comment rallumer les serveurs ? », mais « Comment l’entreprise continue-t-elle de fonctionner, de servir ses clients et de générer de la valeur lorsque son mode opératoire normal est détruit ? ». C’est ici que l’on passe du simple Plan de Reprise d’Activité (PRA) au Plan de Continuité d’Activité (PCA). L’un est une procédure de secours technique, l’autre une stratégie de résilience organisationnelle. Cet article a pour but de vous faire franchir ce cap, en vous guidant au-delà de la seule obsession informatique pour construire une culture de résilience qui protège réellement votre entreprise dans son ensemble.

Pour vous aider à structurer cette réflexion stratégique, nous aborderons les concepts clés de manière progressive. Vous découvrirez la différence fondamentale entre PRA et PCA, comment identifier les activités vitales de votre entreprise, l’importance capitale de la communication et de la préparation humaine, et enfin, comment vous assurer que votre plan n’est pas qu’un simple document théorique.

Pra vs pca : quelle est la différence et pourquoi vous avez besoin des deux

Confondre Plan de Reprise d’Activité (PRA) et Plan de Continuité d’Activité (PCA) est l’erreur la plus commune et la plus coûteuse pour un dirigeant. Le PRA est purement technique : il décrit comment redémarrer une infrastructure informatique après un sinistre majeur. C’est la boîte à outils. Le PCA, lui, est organisationnel et stratégique : il définit comment l’entreprise continue de fonctionner, même en mode dégradé, pendant la crise. C’est le mode d’emploi de la survie. Un PRA sans PCA, c’est comme avoir un moteur de rechange sans savoir conduire.

L’exemple le plus parlant est celui de l’incendie du centre de données d’OVHcloud à Strasbourg. De nombreuses entreprises avaient, de fait, une forme de PRA via les services de sauvegarde de leur hébergeur. Pourtant, des milliers d’entre elles ont perdu leurs données et vu leur site internet indisponible, parfois définitivement, car elles n’avaient pas de PCA. Elles n’avaient pas de plan B pour opérer lorsque leur prestataire principal était lui-même la victime du sinistre. L’étude de cas de cet événement, qui a marqué le paysage numérique européen, a démontré que se reposer sur les sauvegardes seules est une illusion de sécurité, comme le confirme une analyse détaillée des conséquences de l’incendie d’OVHcloud.

Le PCA est une démarche holistique. Il force l’entreprise à se poser les bonnes questions bien avant la crise : quelles sont nos activités critiques ? De quelles ressources humaines et matérielles dépendent-elles ? Comment communiquer avec nos clients, nos fournisseurs et nos salariés si nos canaux habituels sont coupés ? Avoir un PCA, c’est accepter que le « retour à la normale » peut prendre du temps et qu’il faut organiser l’intérim. C’est passer d’une posture réactive (« comment on répare ? ») à une posture proactive (« comment on continue malgré tout ? »). Le PRA n’est en réalité qu’une des nombreuses briques d’un PCA robuste.

Quelle est l’activité la plus importante de votre entreprise ? la méthode pour le savoir objectivement

Face à une crise, une entreprise ne peut pas tout sauver en même temps. Tenter de le faire est la garantie de l’échec. La clé est de concentrer ses ressources limitées sur ce qui est véritablement vital. Mais comment définir objectivement l’activité la plus importante ? La réponse ne se trouve pas dans l’organigramme, mais dans une analyse d’impact sur l’activité (Business Impact Analysis – BIA). Cette méthode consiste à cartographier tous les processus de l’entreprise et à évaluer les conséquences de leur interruption sur des critères objectifs : perte de revenus, obligations contractuelles, réputation, conformité réglementaire.

Cette analyse permet de distinguer les activités essentielles (celles dont l’arrêt menace la survie de l’entreprise à court terme) des activités supports, même si celles-ci sont critiques. Votre activité essentielle est peut-être la prise de commande en ligne, la ligne de production d’un produit phare ou la plateforme de service client. Les activités supports, comme la paie ou la comptabilité, sont indispensables, mais leur interruption sur quelques jours a un impact moindre que l’arrêt des ventes.

Le tableau ci-dessous, inspiré des guides gouvernementaux sur la continuité d’activité, illustre cette distinction cruciale. Il montre comment des activités apparemment secondaires peuvent en réalité être le maillon faible qui paralyse les opérations vitales de l’entreprise.

Activités essentielles vs supports critiques
Type d’activité Exemples Impact en cas d’arrêt
Activités essentielles Production, vente, service client Perte de revenus directe
Activités supports critiques Paye, système de prise de commande, système de livraison, chaîne logistique Arrêt des activités essentielles

Cet exercice de priorisation, souvent matérialisé par des ateliers collaboratifs, est le véritable « cerveau » de votre PCA. C’est lui qui dictera l’ordre de restauration des systèmes et l’affectation des équipes en cas de crise. Sans cette hiérarchisation claire, votre plan de reprise ne sera qu’une liste de tâches désordonnées exécutées dans la panique.

Représentation visuelle d'un bureau avec des post-its colorés sur un tableau blanc montrant la hiérarchisation des activités critiques d'une entreprise.

Comme le montre cette représentation, ce travail de cartographie est un effort collectif qui force toutes les directions de l’entreprise à dialoguer et à s’accorder sur ce qui compte vraiment. C’est une démarche stratégique qui aligne toute l’organisation sur un objectif commun : protéger le cœur de l’activité, quoi qu’il arrive.

En cas de crise, le silence est votre pire ennemi : préparer votre communication d’urgence

Lorsqu’une crise frappe, l’incertitude est le premier ennemi. Le silence de la direction ne fait qu’alimenter la panique des employés, la frustration des clients et la méfiance des partenaires. Une communication de crise mal gérée peut causer plus de dommages à la réputation de l’entreprise que l’incident initial lui-même. C’est pourquoi le volet « communication » n’est pas un accessoire du PCA, mais l’une de ses actions prioritaires. Il doit être activé en même temps que la cellule de crise.

Préparer sa communication d’urgence, c’est d’abord définir qui parle, à qui, par quels canaux et avec quel message. Cela implique de désigner un porte-parole, de lister toutes les parties prenantes (internes et externes) et d’anticiper les canaux de communication de secours (SMS, réseaux sociaux, site web miroir) si les systèmes habituels (email, téléphonie) sont hors service. L’objectif n’est pas d’avoir toutes les réponses, mais de montrer que vous maîtrisez la situation, que vous êtes transparent et que vous travaillez à une solution. Un message simple comme « Nous rencontrons un incident majeur. Nos équipes sont mobilisées. Nous vous tiendrons informés à [heure] » est infiniment plus rassurant que le silence radio.

Cette préparation est au cœur de la gestion de crise, comme le souligne un guide de référence sur le sujet. La structuration de l’alerte et de la communication est une composante essentielle de la mobilisation.

Le dispositif de gestion de crise définit les procédures de détection d’incident, de qualification, d’escalade, d’alerte, de mobilisation ou encore d’activation de la cellule de crise ainsi que des seuils de déclenchement des mesures du PCA et la communication associée.

– Guide CSE, Plan de continuité d’activité (PCA) : définition et mise en place

Pour être efficace le jour J, la stratégie de communication doit être formalisée et testée. Cela passe par la préparation de messages types pour différents scénarios (panne, cyberattaque, sinistre physique) et la définition claire de la chaîne d’alerte. Qui prévient qui, et dans quel ordre ? Attendre la crise pour se poser ces questions est déjà trop tard.

Vos serveurs sont prêts à redémarrer, mais vos employés savent-ils quoi faire ?

C’est le paradoxe de nombreux plans de continuité : ils sont parfaitement conçus sur le plan technique, mais oublient complètement le capital humain. Or, une entreprise n’est pas un ensemble de serveurs ; c’est une communauté de personnes. Si ces personnes ne savent pas quoi faire, où aller, qui contacter ou comment travailler lorsque l’anarchie s’installe, la plus rapide des restaurations de données sera inutile. La résilience d’une organisation se mesure à la préparation de ses équipes.

L’impact humain d’une crise est souvent sous-estimé. Suite à l’incendie d’OVH, les estimations du directeur général d’OVH Cloud indiquaient qu’entre 12 000 et 15 000 entreprises ont été affectées, représentant des dizaines de milliers de collaborateurs soudainement privés de leurs outils. Le témoignage de l’agence de communication Tiz, doublement impactée, est éclairant : « Toutes nos demandes de devis, d’informations, passaient par notre site. On a aussi eu à gérer les difficultés pour nos clients ». Cette simple phrase montre que le travail ne s’arrête pas. Les équipes doivent continuer à répondre, à gérer, à rassurer, souvent avec des moyens dégradés. Sont-elles formées pour cela ?

Préparer ses employés, c’est leur fournir des réponses claires avant que la crise ne survienne. Cela inclut :

  • Des fiches réflexes par poste : Des instructions simples sur les tâches prioritaires à accomplir et les solutions de contournement en cas d’indisponibilité des outils principaux.
  • Un plan d’alerte et de communication interne : Comment l’entreprise contactera-t-elle ses salariés ? Comment les salariés peuvent-ils confirmer qu’ils sont en sécurité et aptes à travailler ?
  • La formation aux procédures dégradées : Organiser des exercices pour habituer les équipes à travailler sans leur logiciel métier, en utilisant des méthodes alternatives (papier, tableur partagé sur une plateforme cloud grand public, etc.).
  • La désignation de responsables de continuité par équipe : Des relais formés pour coordonner l’action au niveau local et faire remonter l’information à la cellule de crise.

La responsabilité du PCA n’est pas uniquement celle de la direction ; elle doit être partagée et comprise à tous les niveaux. Un employé informé et préparé n’est pas une victime passive de la crise, mais un acteur actif de la continuité. Investir dans la formation et l’information des équipes est l’assurance la plus rentable qui soit.

Votre plan de continuité est magnifique sur le papier, mais fonctionnera-t-il dans la panique d’une crise réelle ?

Avoir un document intitulé « Plan de Continuité d’Activité » rangé sur un serveur ne garantit absolument rien. C’est un peu comme posséder un extincteur sans jamais avoir vérifié sa pression ni appris à l’utiliser. Un PCA qui n’est pas régulièrement testé, mis à jour et maîtrisé par les équipes n’est que du théâtre de la sécurité : il rassure à tort et crée un faux sentiment de préparation. La seule façon de savoir si un plan fonctionne est de le confronter à la réalité, même simulée.

Selon un baromètre du cabinet Grant Thornton datant de fin 2019, juste avant la pandémie qui a servi de test grandeur nature, plus de 60% des entreprises avaient un PCA formalisé ou étaient en train de le déployer. Mais combien d’entre elles l’avaient réellement testé en conditions de stress ? La panique, la désinformation et la pression du temps sont des facteurs que seul un exercice pratique peut révéler. C’est lors de ces simulations que l’on découvre les failles : une chaîne de communication qui se brise, des contacts qui ne sont plus à jour, une procédure technique inapplicable ou un réflexe humain non anticipé.

Une équipe de direction en réunion de crise simulée dans une salle de contrôle avec plusieurs écrans montrant des indicateurs d'activité.

Mettre en place un programme de tests n’est pas une option, c’est une obligation pour maintenir le PCA en vie. Ces tests peuvent prendre plusieurs formes, de la simple revue de procédures sur table à l’exercice de simulation grandeur nature impliquant les équipes, les prestataires et parfois même des clients. Chaque test doit avoir des objectifs clairs et donner lieu à un rapport identifiant les points forts et, surtout, les axes d’amélioration. Un PCA est un document vivant, qui doit évoluer avec l’entreprise, ses technologies, ses processus et son personnel. Un plan conçu il y a deux ans est probablement déjà obsolète.

Votre plan d’action pour un PCA réellement opérationnel

  1. Points de contact : Listez tous les canaux de communication (email, téléphone, SMS, réseaux sociaux) et les personnes clés (cellule de crise, managers, porte-paroles) et vérifiez que leurs coordonnées sont à jour et accessibles hors ligne.
  2. Collecte : Inventoriez les procédures existantes, les contrats de service (SLA) avec les fournisseurs critiques, et les fiches réflexes par métier. Identifiez ce qui manque.
  3. Cohérence : Confrontez le plan aux activités essentielles identifiées dans votre BIA. Les priorités du PCA correspondent-elles aux véritables enjeux de votre entreprise ?
  4. Mémorabilité/émotion : Organisez un test sur table. Le plan est-il simple à comprendre et à appliquer dans un contexte de stress ? Repérez les procédures trop complexes ou les points de blocage psychologiques.
  5. Plan d’intégration : Établissez un calendrier de mises à jour (trimestriel, annuel) et d’exercices. Priorisez la correction des failles identifiées lors des tests.

Plan de reprise : dans quel ordre faut-il « rallumer » une entreprise ?

Lorsque le « choc opérationnel » est passé et que la phase de reprise commence, la question n’est plus « si » l’on peut redémarrer, mais « comment ». L’erreur serait de tout relancer en même temps, créant une surcharge technique et organisationnelle. La reprise doit suivre un ordre logique, dicté par les priorités établies dans l’analyse d’impact (BIA). C’est comme réanimer un patient : on s’assure que le cerveau et le cœur fonctionnent avant de s’occuper du reste. Pour une entreprise, cela signifie rallumer les fonctions dans un ordre qui stabilise l’organisation avant de relancer la production.

L’expérience de « La Palanche », un drive zéro déchet touché par l’incendie d’OVH, est un cas d’école de ce qui se passe sans plan de reprise hiérarchisé. Leur témoignage est brutal de simplicité : « On ne connaît pas l’étendue des dégâts, on ne sait pas à quel moment ils vont rétablir le service […]. On navigue un peu à vue ». Cette navigation à vue est précisément ce qu’un ordre de priorité vise à éviter. Il fournit une feuille de route claire au milieu du chaos.

Un ordre de reprise typique est structuré pour restaurer la capacité de l’entreprise à se piloter, puis à interagir avec son marché, avant de revenir à une production nominale. Le tableau suivant propose une séquence logique, qui doit bien sûr être adaptée à la réalité de chaque organisation.

Ordre de priorité Système/Fonction Justification
1 Cellule de crise et communication Coordination et information essentielles
2 Systèmes de trésorerie Assurer la viabilité financière immédiate
3 Outils relation client Maintien du lien commercial et gestion de la réputation
4 Production Reprise progressive de l’activité génératrice de revenus
5 Fonctions supports Retour à la normale (RH, compta, etc.)

Cette séquence garantit que les décisions sont prises sur la base d’informations fiables (cellule de crise), que l’entreprise reste solvable (trésorerie), et qu’elle ne perd pas le contact avec son marché (relation client). Ce n’est qu’une fois ce socle stabilisé que la reprise de la production peut s’envisager de manière sereine. Rallumer la production sans avoir la capacité de communiquer avec les clients ou de gérer les flux financiers serait contre-productif et dangereux.

Que faire dans la première heure d’une attaque ransomware pour éviter d’aggraver la situation ?

Dans le cas spécifique d’une cyberattaque de type ransomware (rançongiciel), les 60 premières minutes sont les plus critiques. Chaque action peut soit contenir l’hémorragie, soit accélérer la propagation de l’infection à l’ensemble du système d’information. Les bons réflexes ne sont pas techniques, mais relèvent de la discipline et du respect d’une procédure d’urgence. La pire chose à faire est de céder à la panique, de tenter de « nettoyer » les machines ou, pire encore, de redémarrer des serveurs sans analyse préalable.

Le premier geste de secours n’est pas de restaurer, mais d’isoler. Déconnecter physiquement les machines infectées du réseau (retirer le câble Ethernet, couper le Wi-Fi) est la priorité absolue pour stopper la contamination. C’est l’équivalent de poser un garrot. Immédiatement après, il est crucial de préserver les preuves. Les machines et les logs doivent être gelés en l’état pour permettre une analyse forensique, qui aidera à comprendre le vecteur d’attaque et l’étendue des dégâts. Tenter une « réparation » à la hâte détruit ces preuves et empêche de tirer les leçons de l’attaque.

Parallèlement, la cellule de crise doit être activée et les autorités compétentes contactées. En France, des plateformes comme cybermalveillance.gouv.fr ou l’ANSSI sont des interlocuteurs incontournables pour obtenir de l’aide et des conseils. Cette menace est devenue si prégnante que les procédures de réponse font désormais partie intégrante de tout PCA moderne. Les actions immédiates doivent être connues de tous :

  • Isoler immédiatement les machines infectées du réseau.
  • Préserver les preuves pour l’analyse forensique (ne rien éteindre ou modifier).
  • Activer la cellule de crise cyber dédiée.
  • Contacter les autorités compétentes (ANSSI, police/gendarmerie).
  • Ne pas payer la rançon sans avoir consulté des spécialistes, car rien ne garantit la récupération des données et cela finance le crime organisé.

Cette réactivité est d’autant plus vitale que, comme le soulignent les experts, la cybermenace s’est considérablement accrue, notamment avec la pandémie qui a multiplié les points d’entrée dans les systèmes d’information des entreprises. Gérer la première heure d’une attaque ransomware, c’est avant tout gérer une scène de crime numérique : on protège le périmètre, on préserve les indices et on appelle les experts.

À retenir

  • La continuité d’activité (PCA) est une stratégie d’entreprise, pas seulement un problème informatique. Elle vise à maintenir les fonctions vitales en mode dégradé.
  • Un Plan de Reprise d’Activité (PRA) n’est qu’une composante technique du PCA, focalisée sur la restauration de l’IT. Il est insuffisant seul.
  • La clé du succès est la préparation humaine : des équipes formées et informées, ainsi qu’une communication de crise maîtrisée, sont plus importantes que la technologie.

La restauration : le jour où vous découvrez si votre stratégie de sauvegarde n’était que du théâtre

La restauration des données est le moment de vérité, l’instant où l’on découvre si des années de stratégie de sauvegarde n’étaient qu’une illusion rassurante. La statistique est brutale : suite à l’incendie du datacenter d’OVHcloud, 3,6 millions de serveurs web ont perdu leurs données. Derrière ce chiffre, des milliers d’entrepreneurs ont découvert dans la douleur que l’option « sauvegarde » qu’ils payaient chaque mois ne garantissait pas une restauration fonctionnelle, simple ou même possible.

Avoir une sauvegarde ne signifie pas être capable de restaurer. La restauration est un processus complexe qui dépend de la compatibilité des systèmes, de l’intégrité des données sauvegardées (ne sont-elles pas corrompues ?) et de la disponibilité d’une documentation claire. Sans tests de restauration réguliers et complets, une entreprise navigue à l’aveugle. Elle paie pour une assurance dont elle ne connaît pas les clauses d’exclusion.

Étude de cas : la condamnation d’OVH et la valeur réelle d’une sauvegarde

L’affaire qui a opposé la société Bati Courtage à OVHcloud est emblématique. Suite à l’incendie, l’entreprise, qui avait pourtant souscrit une option de sauvegarde automatique, a perdu l’intégralité de ses données. Le Tribunal de Commerce a estimé que la responsabilité de l’hébergeur était engagée précisément parce que le service de sauvegarde n’avait pas rempli sa promesse. Au final, OVH a été condamné à verser plus de 100 000 euros de dédommagement à son client. Cette décision de justice crée un précédent majeur : elle établit que la promesse d’une sauvegarde engage la responsabilité du fournisseur si la restauration est impossible. Pour les entreprises, la leçon est claire : la valeur d’une sauvegarde ne réside pas dans sa création, mais dans la preuve vérifiée de sa capacité à être restaurée.

Le seul moyen d’éviter le « théâtre de la sauvegarde » est d’intégrer des tests de restauration au cœur de votre PCA. Ces tests ne doivent pas se limiter à vérifier qu’un fichier peut être récupéré. Ils doivent simuler un scénario de sinistre complet : la restauration d’un serveur entier, d’une base de données critique ou d’une application métier sur une infrastructure de secours. C’est seulement en réalisant cette opération de bout en bout que l’on peut mesurer le temps réel de la reprise (RTO), identifier les points de blocage et s’assurer que les procédures documentées sont bien applicables par les équipes.

Pour que votre stratégie de sauvegarde ne soit pas une fiction coûteuse, il est impératif de comprendre les enjeux et les pièges de la restauration.

Passer de la simple préoccupation de la sauvegarde informatique à une véritable culture de la résilience organisationnelle n’est pas un projet technique, mais une décision stratégique qui incombe au dirigeant. C’est le seul moyen de garantir que, face à l’inévitable prochaine crise, votre entreprise saura non seulement survivre, mais continuer à fonctionner. Pour mettre en pratique ces conseils, la prochaine étape logique est de lancer une analyse d’impact sur l’activité (BIA) pour cartographier objectivement les processus vitaux de votre organisation.

Rédigé par Isabelle Girard, Isabelle Girard est une consultante en systèmes d'information qui accompagne depuis 18 ans les PME dans leur transformation numérique. Son expertise est de traduire les besoins opérationnels en solutions technologiques rentables.